L’écart entre formation et compétences professionnelles en Afrique : constats, enjeux et pistes pour un vrai changement

Introduction

L’éducation est souvent vue comme la clé de la sortie de crise — pauvreté, chômage, sous-emploi — en Afrique. Pourtant, malgré des progrès dans l’accès à l’enseignement, un décalage persistant entre formation et compétences réellement utiles pour le marché du travail prive des millions de jeunes de perspectives stables et rémunératrices. Dans cet article, She STEMin Africa propose d’analyser ce problème structurel, d’en mesurer l’ampleur, et de proposer des pistes concrètes pour construire une réponse efficace.

1. Quelle ampleur pour le problème ?

Un phénomène massif, quantifié
  • Dans une étude portant sur 10 pays africains, environ 46,4 % des jeunes employés déclarent que leurs compétences ne correspondent pas aux exigences de leur emploi : 28.9 % disent être sous-qualifiés (underskilled), 17.5 % se jugent surqualifiés (overskilled). Source 

  • Le même rapport montre qu’environ 56,9 % des jeunes ont un niveau d’éducation inférieur à ce que leur emploi requiert (undereducation), et seulement 8.3 % sont « overeducated » — ce qui témoigne d’un désalignement entre niveau théorique et exigences réelles du poste. Source 

  • Selon le rapport le plus récent Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE) / Banque africaine de développement (AfDB) Africa’s Development Dynamics 2024, beaucoup d’économies africaines doivent faire face à un double défi : des travailleurs qui « manquent les compétences spécifiques requises » pour les emplois disponibles, et un manque d’emplois de qualité, poussant le continent vers un avenir largement informel. Source

  • Le problème touche particulièrement l’enseignement professionnel/vocational (TVET) : la participation à la formation professionnelle formelle reste très faible — par exemple en 2022, seules 1,8 % des inscriptions au niveau secondaire en Afrique subsaharienne étaient dans des filières TVET. Source

Résultats paradoxaux malgré un niveau d’instruction croissant

Beaucoup de jeunes aujourd’hui sont plus instruits que les générations précédentes — plus nombreux à atteindre le secondaire ou le tertiaire. Pourtant, le chômage, le sous-emploi, ou l’emploi informel restent élevés. Source

Cela met en évidence un problème non seulement quantitatif (accès à l’éducation), mais surtout qualitatatif : les systèmes éducatifs produisent des diplômes, mais pas toujours les compétences opérationnelles que demandent les entreprises.

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2. Pourquoi cet écart se creuse ? Les causes principales

a) Faiblesse ou inadéquation de l’offre de formation
  • Les systèmes de formation (scolaire, universitaire, TVET) demeurent trop souvent théoriques, peu tournés vers la pratique ou l’expérience réelle. Cela engendre des diplômés peu opérationnels. Source

  • Dans le TVET, on observe des lacunes structurelles : manque d’enseignants qualifiés, matériels obsolètes, programmes peu mis à jour, peu de lien avec les besoins des secteurs économiques. Source 

  • Trop peu de jeunes s’orientent vers la formation professionnelle/vocationnelle (TVET) — pourtant cruciale pour les métiers techniques, manuels ou de proximité. Source 

b) Déficit de liaison entre formation, secteur privé et marché du travail
  • Les institutions de formation sont souvent coupées du monde de l’entreprise : absence de partenariats robustes, peu d’alternance, de stages structurés ou de co-conception des programmes. Source 

  • Les employeurs, quant à eux, ne s’impliquent pas systématiquement dans la définition des compétences nécessaires, ce qui crée un décalage entre ce que forme l’école et ce que demande le travail réel. Source 

c) Evolution rapide des besoins — numérique, innovation, industries émergentes

Les économies africaines évoluent : digitalisation, industries naissantes, transition vers des secteurs modernes (énergies renouvelables, services, TIC, économie verte). Ces mutations exigent des compétences nouvelles — techniques et transversales — que la formation traditionnelle peine à intégrer. Source
Ainsi, beaucoup de jeunes, même diplômés, se retrouvent dépassés, ou incapables de répondre aux standards actuels du marché du travail.

d) Absence de système d’apprentissage tout au long de la vie (lifelong learning) et upskilling

La formation initiale ne suffit plus. Pour s’adapter aux changements du marché, les travailleurs ont besoin d’opportunités de montée en compétences continue, de requalification (reskilling), de formation technique ou numérique actualisée — ce qui reste insuffisamment structuré dans de nombreux pays africains. Source

3. Les impacts — pour l’économie, la jeunesse et le développement

Sur l’économie nationale et la productivité

Quand les entreprises ne trouvent pas de main-d’œuvre qualifiée, elles restent informelles, peu productives, ou réduisent leurs ambitions de croissance. Cela freine l’investissement privé, limite la transformation structurelle de l’économie, et maintient de larges pans du marché dans des activités de faible valeur ajoutée. Source 

Pour les jeunes — chômage, sous-emploi, frustration
  • Beaucoup de diplômés se retrouvent en emploi informel, précaire, mal payé, ou dans des métiers sans rapport avec leurs études. Le phénomène de mismatch de compétences / diplôme crée un sentiment de perte de valeur. Source 

  • Le manque d’opportunités adaptées pousse certains jeunes à accepter des emplois en décalage total avec leurs aspirations — parfois à l’étranger ou dans des secteurs peu structurés.

Pour la société et le développement durable

Un tel désalignement compromet la transformation économique, réduit la compétitivité des entreprises africaines, bride l’innovation, et peut alimenter des cycles de pauvreté, d’exclusion et d’émigration. Il compromet aussi la capacité du continent à tirer profit de sa jeunesse et de ses ressources humaines.

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4. Solutions — ce qu’il convient de mettre en œuvre pour combler l’écart

Voici des pistes concrètes — certains reposent sur des approches institutionnelles, d’autres sur des initiatives innovantes, mais toutes visent à aligner formation et réalité du travail.

✅ Renforcer et moderniser la formation professionnelle & TVET
  • Investir dans la formation professionnelle — améliorer les infrastructures, mettre à jour les programmes, recruter des enseignants qualifiés, équiper les ateliers. Source 

  • Développer l’enseignement technique et professionnel comme une option valorisée, alternative crédible à l’université — en montrant qu’il mène à des emplois réels, stables et utiles. Source 

🤝 Construire de véritables ponts entre formation et entreprise
  • Encourager les partenariats école-entreprise : co-conception des curricula, stages obligatoires, alternance, apprentissages, tutorat en entreprise. Source 

  • Impliquer le secteur privé dans l’élaboration de programmes de formation — faire en sorte que les compétences enseignées soient celles réellement demandées sur le marché. Source 

🔄 Promouvoir l’apprentissage tout au long de la vie (upskilling / reskilling)
  • Mettre en place des formations continues, des micro-certifications, des programmes modulaires permettant aux jeunes (et aux travailleurs) d’acquérir ou de mettre à jour des compétences en phase avec l’évolution des technologies et des secteurs.

  • Encourager les entreprises à offrir des formations internes, des programmes de passation de compétences (mentorat, onboarding, stages longue durée) pour transformer des jeunes “bruts” en employés opérationnels.

📊 Mettre en place des systèmes d’évaluation et d’adaptation
  • Cartographier les besoins du marché du travail — par secteur, par région — pour orienter l’offre de formation.

  • Mettre en place des indicateurs de réussite : taux d’employabilité après formation, adéquation emploi–compétences, insertion dans le formel, satisfaction employeur, reconversion, etc.

  • Instaurer des boucles de rétroaction (feedback) entre formateurs, diplômés, employeurs et institutions publiques pour ajuster en continu les programmes.

🌐 Diversifier les voies de formation — innovation, numérique, alternance, entrepreneuriat
  • Intégrer des compétences numériques, de gestion, d’innovation, d’entrepreneuriat dans les programmes — pas seulement compétences techniques classiques.

  • Encourager l’entrepreneuriat, l’auto-emploi et les filières informelles structurées comme options viables, en leur donnant des formations adaptées. Source 

  • Développer des modèles hybrides mêlant théorie, pratique, mentorat, projets réels — pour rapprocher l’apprentissage de la réalité du terrain.

5. Vers un changement réel — ce qu’il faudrait prioriser dès maintenant

Pour dépasser les discours, voici ce qu’il convient de faire en priorité, à différentes échelles :

⚙️ Au niveau des États / politiques publiques
  • Réformer les systèmes éducatifs en faveur de TVET et de l’apprentissage par l’expérience.

  • Allouer des ressources substantielles à la formation professionnelle, moderniser les infrastructures, et prioriser les secteurs en croissance (tech, énergie, santé, agriculture modernisée).

  • Mettre en place des cadres de collaboration public-privé pour concevoir des programmes de formation adaptés aux besoins réels de l’économie.

🏢 Au niveau des entreprises & secteur privé
  • Participer activement à la formation — stages, alternance, apprentissage, mentorat, recrutement de jeunes issus de formations adaptées.

  • Investir dans le développement des compétences internes, former continuellement les employés, offrir des passerelles pour accéder à des métiers qualifiés.

🧑‍🎓 Au niveau de la société civile, des ONG, des initiatives communautaires
  • Promouvoir des alternatives à l’université classique — formation technique, artisanale, métiers manuels, digital, entrepreneurial.

  • Mettre en place des plateformes d’apprentissage flexible (en ligne, hybride, modularisées), particulièrement accessibles aux jeunes en zone rurale, aux femmes, aux populations marginalisées.

  • Sensibiliser les jeunes, les familles, les décideurs sur la valeur réelle de la formation professionnelle et le potentiel des métiers techniques.

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6. Pourquoi le moment est opportun — une fenêtre d’opportunité pour agir

  • Les besoins de l’Afrique évoluent rapidement : industrialisation, transition énergétique, digitalisation, urbanisation. Ces transformations exigent des compétences nouvelles, concrètes, adaptables.

  • Il existe aujourd’hui une prise de conscience croissante — au niveau des gouvernements, des organisations internationales, des acteurs économiques — de l’importance de la formation professionnelle et du skills gap. La récente édition de Africa Skills Week 2025 en est une illustration. Source 

  • Le jeune âge de la population, combiné à une forte demande de transformation économique, offre un potentiel massif si les compétences sont bien développées.

Conclusion

L’écart entre formation et compétences professionnelles en Afrique n’est pas un simple problème d’éducation : c’est un défi structurel, lié à l’organisation du système éducatif, à l’insuffisance des liens avec le marché du travail, à l’évolution rapide des besoins, et à un modèle de développement qui peine à valoriser la compétence réelle.

Mais ce constat n’est pas fataliste : il existe des solutions concrètes — modernisation du TVET, partenariats école-entreprise, formation continue, apprentissage par l’expérience, diversification des voies d’accès à l’emploi — qui peuvent transformer durablement l’employabilité des jeunes, la productivité des entreprises, et le développement socio-économique du continent.

Le moment est venu d’agir de manière coordonnée, pragmatique, et orientée vers l’impact. L’Afrique peine à aligner formation et travail : mais avec volonté et stratégie, elle peut faire de cette jeunesse un atout, et non un fardeau.

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